Investissement durable

Investissement durable : a-t-on encore le choix ?

Depuis quelques années, la règlementation concernant l’investissement responsable et durable s’intensifie. Dernière en date, la nouvelle version MIFID va imposer, dès le mois d’août, l’obligation d’interroger les investisseurs sur leur sensibilité aux critères ESG de leurs investissements ou à leurs impacts.

Évidemment, ces nouvelles contraintes, dans un contexte réglementaire déjà étouffant, n’enchantent pas les acteurs du conseil en investissement, qui se demandent comment ils vont bien pouvoir faire pour respecter ces nouvelles exigences, au lieu de s’interroger sur le bien fondé de la démarche.

Car la question de la durabilité d’un investissement n’est pas qu’un effet de mode ou une volonté d’engagement dont doit tenir compte le conseiller. C’est avant tout une question de risque qui pourrait pénaliser la performance de certains investissements.

Former les conseillers en investissements financiers à ces nouveaux risques de durabilité aurait sans doute permis une meilleure compréhension de ces nouvelles contraintes et finalement, une meilleure information aux investisseurs.

Risque de durabilité : qu’est-ce que c’est ?

Le risque de durabilité, c’est le risque qu’un évènement de type environnemental, social ou de gouvernance vienne altérer la performance d’un investissement, ou même détruise complétement sa valeur.
On parle alors d’actifs échoués (stranded assets) ou irrécupérables.

On divise en général ces risques en 3 catégories.

  • Les risques physiques : Par exemple, les risques liés au dérèglement climatique et aux catastrophes naturelles : tempêtes, orages, incendie, inondation qui détruisent les biens immobiliers, les exploitations agricoles ou les zones industrielles. Même si ces risques sont couverts par le système d’assurance, les indemnités ne peuvent en général pas compenser l’intégralité des dommages ou du manque à gagner pour les entreprises. L’évaluation de ces risques est donc primordiale aujourd’hui pour les acquisitions immobilières, les implantations des entreprises ou tout autre investissement qui pourrait subir les aléas climatiques.
  • Les risques de transition : On le sait, les objectifs (ODD) fixés par les Nations Unies et les COP successives sont loin d’être atteints et nécessitent chaque année des efforts et des contraintes supplémentaires pour limiter le réchauffement climatique et laisser à nos enfants une planète vivable. Nous allons donc avoir un accroissement considérable de nouvelles normes et réglementations qui vont contraindre les acteurs économiques à adopter les bons gestes et les bons outils, pour économiser l’énergie et les matières 1ère, limiter les déchets et réduire son empreinte. Cela concerne les consommateurs mais aussi toutes les entreprises qui auront également à court terme l’obligation de compenser leurs émissions de CO2 en intégralité. Certaines entreprises ne pourront pas s’adapter ou n’auront pas le temps d’opérer le virage nécessaire. Comment imaginer qu’un groupe pétrolier puisse passer en 20 ans à une production 100% renouvelable ou à la neutralité carbone sans perte de valeur pour l’actionnaire ? N’est-il pas plus pertinent d’investir dans une nouvelle entreprise qui adopte dès le démarrage de son activité les critères de durabilité ? Le risque de transition est donc un risque de coût qui n’est pas pris en compte aujourd’hui dans la valorisation des entreprises et qui pourrait ne pas être supportable par certaines d’entre elles.
  • Les risques de responsabilité : L’exemple très récent d’un groupe d’Ehpad illustre parfaitement ce risque qui porte dans ce cas particulier sur les traitements des clients (critère social) et la gouvernance de l’entreprise. Plus de 3⁄4 de la capitalisation boursière disparaissent en quelques mois et le groupe pourrait ne pas se relever d’un tel désastre.

Le risque de durabilité apparaît donc aujourd’hui comme l’un des risques majeurs pour les prochaines décennies. Ce sujet a d’ailleurs été très largement débattu lors du dernier congrès des actuaires, dont le thème était Éclairer l'avenir dans un monde en transition ».

Alors pourquoi n’en parle-t-on pas plus ? :

Sans doute parce qu’il est très difficile à mesurer. Si la mesure des émissions de CO2 d’une entreprise est maintenant relativement fiable pour les scopes 1 et 2, la mesure des émissions indirectes (scope 3) reste difficile à évaluer.
De la même manière, l’évaluation des risques liés au changement climatique reste compliquée car elle ne peut pas reposer sur des statistiques. C’est le problème des nouveaux phénomènes où la science apprend en « marchant ». Enfin, la pratique du greenwashing, si souvent dénoncée, reste difficile à démasquer et porte un discrédit important sur les investissements durables.

Agir avec pragmatisme.

Évidemment la pire des choses serait de se réfugier derrière ces difficultés pour ne rien faire ou faire l’autruche... Ignorer le risque ne permet pas de l’éliminer. Alors, chacun doit s’informer, se former, s’interroger et trouver des solutions même imparfaites qui permettent d’avancer dans la bonne direction et de remplir efficacement son devoir de conseil.

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